À très court terme, on constate déjà quelques « skills /compétences » rendues nécessaires par la crise que nous traversons : les capacités à travailler et « brainstormer » à distance, convaincre via un écran plutôt qu’en présentiel, gagner en précision dans les briefs… L’écran froid et affreusement rationnel nous coupe du langage du corps, de cette ”messagerie chimique” inconsciente qui naît dans les rapports humains, et se traduit dans les rapports professionnels par des compréhensions induites. Il faudra donc, tant que le télétravail sera la norme, inventer de nouvelles pratiques pour communiquer. D’autres « compétences » se développent qui touchent aux soft skills comme par exemple la résistance au travail solitaire, l’autodiscipline dans l’organisation de son temps, la capacité à discerner ce qui passe par l’écrit et ce qui nécessite d’organiser une conférence call.
Côté savoir-faire, chaque décideur ou concepteur digital doit comprendre ce que cet événement va modifier dans les comportements des utilisateurs. En effet, la forte montée des volumes de connexion, les nouveaux usages (comme la croissance des achats en ligne chez les personnes âgées), la puissance des plateformes et celle du monde virtuel, bouleversent les habitudes de consommation. Les métiers de la donnée vont donc être sur-sollicités par les marques qui doivent impérativement comprendre quel est et sera le nouveau terrain de jeu.
À long terme, l’automatisation et la robotisation (un robot n’attrape pas le covid même s’il est vrai que d’autres virus peuvent s’infiltrer dans sa carte mère…) vont, à n’en pas douter, s’accélérer et avec elles l’usage de l’IA. Les collaborations entre ces IA et l’intelligence humaine créeront de nouveaux métiers.
Le digital, à travers cette crise, nous montre plus que jamais qu’il est à la fois un média, un outil de distribution et un outil de communication relationnelle. Chef de projet, Product Owner, Responsable de communication digitale, Chef de projet réseaux sociaux, Community Manager, webmaster, e-merchandiser, chef de projet SEA/SEO, responsable affiliation… le secteur n’a pas attendu le Covid pour se structurer et se professionnaliser autour de métiers au périmètre clair.
Ce n’est donc pas à une nouvelle phase de création de métiers qu’il faut s’attendre, mais une puissante phase d’expansion en volume de ses métiers, la crise du covid aura montré que lorsque tout s’écroule, le digital demeure, ce sera probablement un révélateur au plus haut niveau.
Il est probable que les entreprises devront aussi s’adapter à un début de ce que j’appellerai une « dé-linéarisation » de nos habitudes de vie, née du confinement.
Un peu à la manière de la fameuse « dé-linéarisation » qu’a vécu le secteur des médias. Cette fois, elle va se déployer à un niveau beaucoup plus puissant : celui du réel. L’explosion de la linéarité de nos existences (lever, transport, travail, retour, dîner,..) induite par le confinement, débouche sur une journée où, du même lieu, on actionne ce que l’on veut, à n’importe quel moment (achat en ligne, apéro entre amis, série sur Netflix…) et où se mêlent conversation, consommation et réunion et travail. Bien entendu, on tente d’organiser ses horaires, mais on peut jouer avec souplesse sur les tâches, on n’est moins contraint, on peut déplacer une action dans le temps (comme regarder une émission en replay), jouer agilement de toutes nos activités car nous y sommes contraints par la force des choses. Cette dé-linéarisation globale a paradoxalement créée une nouvelle liberté.
Qui pourra s’opposer à un rendez-vous à 15H chez le médecin et rattraper en télétravail l’heure perdue ?
Les marques vont donc devoir être présentes et disponibles à la séduction, à la conversation et évidemment à la transaction avec les consommateurs à tout moment. Le e-commerce pourrait, d’ailleurs, devenir la norme et le magasin un de ses relais (et non l’inverse). Les habitudes prises, le temps de travail se mixera avec celui d’un achat en ligne d’une commande sur Deliveroo, d’une demande de SAV à 22H45…
Pour les entreprises, cela implique bien entendu un accroissement en volume de ses équipes notamment d’exploitation, mais aussi une diffusion massive et profonde des techniques digitales au sein des organisations, à tous les niveaux pour que chaque décision intègre « nativement » le digital.
Cela demandera aussi aux experts digitaux de compléter leur savoir-faire en intégrant de manière beaucoup plus profonde les « business model » de leur entreprise pour proposer des dispositifs de plus en plus intégrés à la vie « réelle ». Car demain, les compétences digitales devront être associés aux réflexions produits et services des entreprises bien en amont et non plus seulement comme support ou relais.
Le covid ne va donc pas révolutionner les métiers et les compétences des experts actuels du digital, mais créer un appel d’air puissant en volume et une expansion et une diffusion des compétences à tout niveau dans l’entreprise à la manière d’un virus mais cette fois un virus bienveillant et bienfaisant celui-ci, au service de notre confort et de notre bien-être.
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