Ces entreprises disposent d’un poids et pouvoir économique très importants, dépassant parfois ceux des États. En 2015, les GAFA pesaient 1 675 milliards de dollars contre 1 131 milliards de dollars pour toutes les entreprises françaises cotées au CAC 40. Début 2017, selon Challenge et Xerfi Canal, la capitalisation boursière des GAFA dépassait les 2000 milliards d’euros, soit un montant supérieur à l’ensemble du CAC 40 (1500 milliards). « Leur valorisation équivaut au PIB de la France. Ces entreprises emblématiques du web trustent d’ailleurs les premières places du top 10 des plus grandes capitalisations mondiales. Apple est l’entreprise la plus chère du monde (752 milliards de dollars) et devance Alphabet, la maison mère de Google. Microsoft complète le podium, suivi de près par Amazon et Facebook, respectivement en 4ème et 6ème positions ».
Les Gafa essaiment avec Natu (Netflix, Air BnB, Telsa et Uber) qui regroupe des sociétés considérées comme symboliques du phénomène d’ubérisation rencontré dans le domaine de « l’économie digitale ».
Mais leur pouvoir s’étend bien au-delà. Selon Géoconfluence, « leur poids dans l’économie mondiale et dans les sociétés humaines peut cependant être évalués par d’autres critères :
Force est de constater que ces géants un pouvoir considérable fragilisé néanmoins par les aléas boursiers.
Selon, Natalia Sushchevaet et Jacques Fontanel « Microsoft (dont l’ensemble des sociétés est aujourd’hui regroupé sous le nom » Azure ») a été créée en 1975 par Bill Gates et Paul Allen avec pour objet le développement des systèmes d’exploitation et les logiciels pour les ordinateurs. En 1981, le constructeur américain IBM lance son « Personnal Computer » (PC) avec le système d’exploitation MS DOS. Microsoft était lancé, il ne rencontrera une forte concurrence dans son domaine d’excellence qu’avec Apple (qui occupe une part de marché réduite à ses propres ordinateurs) puis Netscape, lequel disparaitra dès 2003. Cependant, lorsque le sigle GAFA est apparu dans la presse, Microsoft apparaissait surtout comme une entreprise du XXe siècle face aux autres firmes du secteur à forte croissance technologique et financière. En termes de capitalisation financière, Microsoft était dépassée par ses « jeunes concurrents » du secteur. Aujourd’hui, le PC est vieillissant, mais les systèmes d’exploitation Microsoft sont présents sur 90% des microordinateurs dans le monde. Le redressement est spectaculaire. Fin mai 2018, la capitalisation de Microsoft (760 milliards de dollars) a triplé depuis 2012 et a dépassé celle de Google (744 milliards de dollars), son chiffre d’affaire de 2017 dépasse celui d’Amazon grâce à une politique technologique et commerciale dynamique. Elle a abandonné Windows Phone, acheté plusieurs sociétés et sites (Nokia, Linkedin, Github et Skype), investi dans les technologies du futur (intelligence artificielle) développé des services connectés de musique (Groove), créé de nouveaux outils et des jeux vidéos (Minecraft) et conçu un « cloud computing », devenu leader mondial du secteur. Windows a perdu son rôle phare dans la firme, mais celle-ci s’est unie à Amazon pour développer des services d’intelligence artificielle, avec de solides références pour recevoir l’appui des investisseurs et des financiers privés.
Apple a été créée en 1975, à Cupertino par Steve Job et Steve Wozniak. La société a connu tous les stades de développement et de crise qui ont secoué l’ensemble de l’économie numérique mondiale. En 1997, Apple a connu une très grave crise, qui a été soldée par le licenciement du tiers de ses employés et un apport de 150 millions de dollars de Microsoft, le principal concurrent. Le retour de Steve Job et la volonté de travailler sur moins de produits vont participer au redressement de la firme. Les évolutions et révolutions technologiques vont alors se multiplier à un rythme élevé, avec l’iMac au design moderne, puis l’iPod (qui transforme le marché de la musique), l’iPhone (qui révolutionne le marché de la téléphonie), la tablette iPad (qui apporte la simplicité et le confort dans l’utilisation des applications numériques) ou l’essor des Apple Stores. Depuis deux décennies, centrée sur la mise en place d’un matériel informatique complet, elle a fortement participé (en bien ou en mal) aux rapports professionnels et intimes des consommateurs et des citoyens et son succès n’a quasiment jamais été contesté, malgré quelques ralentissements d’activité, liés souvent à la digestion progressive des innovations majeures qu’elle avait pu apporter. Ses résultats financiers restent exceptionnels (15% de bénéfice par rapport au prix des actions). Même si la spéculation donne souvent des résultats sinusoïdaux, Apple a été la première entreprise au monde à dépasser 1000 milliards de dollars de capitalisation, pour un chiffre d’affaires attendu de 55 milliards de dollars fin 2018 et un profit de près de 12 milliards de dollars.
Ses concurrents restent puissants, notamment Huawei (second chiffre d’affaires du secteur) et Samsung. Apple offre aussi d’autres biens et services, comme les montres interconnectées ou une offre musicale avec le rachat de Shazam. Chaque année, face à la concurrence et à son avidité de profits, Apple arrête la production et la commercialisation de modèles récents jugés insuffisamment concurrentiels par rapport aux autres produits et l’obsolescence programmée est toujours réfléchie d’un point de vue financier. Plusieurs projets sont aujourd’hui engagés. D’abord, l’innovation ne doit jamais s’arrêter. En 2018, trois nouveaux smartphones ont été produits, proches de l’iPhone X sorti en 2017, ainsi qu’une nouvelle montre (Watch) qui surveille le cœur pendant la journée. Elle protège aussi ses innovations en luttant contre l’espionnage industriel et la protection de ses brevets. Ensuite, elle se propose de concurrencer Netflix en lançant une plateforme de « streaming », dont les développements futurs semblent particulièrement intéressants en termes de profits. Apple souhaite développer les services qui permettent de monétiser la base d’utilisateurs. Enfin, l’entreprise lutte contre l’espionnage industriel et pour la protection de ses brevets (elle a obtenu, de la justice américaine, 539 millions de dollars de Samsung qui a copié le design de son iPhone).
Créée en 1994, Amazon a d’abord eu pour objectif la vente de livres par correspondance. Avec la crise du début des années 2000, les profits n’étaient pas au rendezvous et la gestion de Jeff Bezos20, le créateur, a alors été contestée. Les bénéfices de l’entreprise ne sont apparus que 9 années après la création de la firme, mais avec la nouvelle crise de 2008 elle a connu de graves difficultés financières au point qu’elle aurait pu arrêter ses activités. Depuis lors, son cours à Wall Street a été multiplié par un facteur 20. Le rachat récent de la chaîne Whole Food renforce encore la gamme de ses produits et son importance financière. Avec un chiffre d’affaires de 178 milliards de dollars annuel au début juillet et une marge brute de 66 milliards dollars, Amazon témoigne de son dynamisme. Amazon est présente dans l’informatique dématérialisée, la pharmacie, les médias et l’alimentation. Elle emploie 550.000 personnes dans le monde, souvent peu qualifiées, faiblement rémunérées, appliquant des tâches simples, mais avec une cadence surveillée. Aux Etats-Unis, elle emploie des salariés pauvres, souvent à temps partiel, dont un tiers d’entre eux bénéficient de l’aide alimentaire dans l’Arizona. Les salariés sont payés 15 dollars de l’heure, avec des travailleurs saisonniers, des prisonniers, des retraités. Le stakhanovisme des « amazoniens » y est recommandé, surtout à l’approche des fêtes de Noël. Amazon fait du lobbying pour se défendre. Elle est soucieuse de son image et elle engage de fortes opérations de lobbying (3,5 millions de dollars) pour contrecarrer une image altérée par sa capacité à éviter l’impôt, selon des modalités éthiques contestables et fortement contestées. Google est née en 1998, en proposant un algorithme (PageRank) destiné à faciliter les recherches sur Internet. Elle a mis au point un modèle publicitaire efficace, qui lui a permis de faire d’importantes opérations commerciales et financières. Dans ce contexte, avec Google Chrome, ses concurrents directs ont été rapidement devancés et elle a pris le contrôle du marché des navigateurs web grâce à sa faculté d’innovations continues et à sa capacité à acheter les start-ups les plus prometteuses.
En 2018, Alphabet (société qui regroupe toutes les activités économiques, financières et technologiques de Google) possède près des deux tiers des parts du marché sur desktop. Chrome sert de base logicielle au système d’exploitation Chrome OS pour ordinateurs, mais il est devenu aussi une plateforme accessible sur Windows, MacOS, Linux, Android, et même iOS24. En outre, les rachats de Waze, DoubleClick, You Tube ou Androïd ont permis une croissance financière exceptionnelle de la firme. « En Septembre 2018, Google a signé un accord avec le groupe Nissan-Renault-Mitsubishi pour intégrer le système d’exploitation Android dans les 10 millions de véhicules produits par les trois marques. La firme offrira tous les logiciels embarqués, de la vidéo de YouTube à la commande vocale, de la cartographie à la climatisation de l’habitacle, mais aussi des instruments utiles à la conduite. Elle pourra recueillir des informations importantes sur les conducteurs et continuer ainsi à utiliser toutes les informations privées ». La mise en service de voiture autonome et l’essor de l’intelligence artificielle suppose des investissements importants de la recherche fondamentale à la réalisation de nouveaux produits rentables. Google s’y emploie. La stratégie commerciale de vente de Google fondée sur la vente d’un package de plusieurs produits en un seul a été contestée juridiquement, mais elle constitue toujours le fondement de sa réussite commerciale, grâce à un lobbying efficace. La firme a souvent fait l’objet de poursuites judiciaires pour « position dominante » et « monopolistique. Elle a notamment été condamnée à 4,34 milliards de dollars par l’Union européenne pour abus de position dominante sur le système d’exploitation Androïd.
Facebook est le dernier né des « Big Five ». Ce système ordonné de réseaux sociaux fonctionne sur la base des données personnelles fournies par ses utilisateurs. Le modèle économique fonctionne grâce aux ventes d’espaces publicitaires. La firme s’est développée à un rythme considérable en à peine une décennie, avec plus de 2,5 milliards d’utilisateurs. En 2018, à la suite de plusieurs « affaires » concernant l’insécurité relative au principe d’intimité des comptes, elle a obtenu des résultats qui restent intéressants (mais moins bons que ceux qui avaient été prévus), avec un chiffre d’affaires de plus de 32 milliards de dollars au second trimestre (+ 22% en un an) et un bénéfice de plus de 5 milliards de dollars. Le chiffre d’affaires de Facebook est constitué, à 97 % de son chiffre d’affaires, par la vente de messages publicitaires ciblés, en fonction des informations qui lui sont fournis et qu’elle synthétise à des buts commerciaux. Les éléments relatifs à la protection de la vie privée des citoyens ne sont pas toujours correctement mis en place par Facebook. Les entreprises de désinformation et de manipulations politiques supposées avec la Russie (en faveur du candidat Trump) ont créé des polémiques qui ont remis en cause l’image de Facebook et réduit son potentiel d’attraction comme support publicitaire.
A l’été 2017, Wall Street l’a sanctionné, le cours des actions Facebook a perdu 18 % de sa valeur, soit une perte de capitalisation de 114 milliards de dollars. La même année, la firme a été condamnée, par la Commission européenne, à une amende de 5 milliards de dollars en 2017 pour abus de position dominante. Les « fake news » que Facebook diffuse (contre son gré) propagent une atmosphère délétère dans les réseaux sociaux qui peuvent conduire à des réactions inappropriées. Cependant, la conception américaine très permissive de la liberté d’expression n’offre pas toujours une voie alternative, même si elle n’est pas partagée dans le monde entier30. L’affaire « Cambridge Analytica » a mis en évidence la récupération des informations concernant 87 millions d’utilisateurs du réseau social mis, notamment, à la disposition notamment de l’équipe de Donald Trump pendant les dernières élections présidentielles américaines.
Fin septembre 2018, 50 millions d’adresse Facebook ont été recueillies par un « malware », remettant encore en cause la fiabilité du système de sécurité de Facebook, ce qui explique la frilosité des banques à l’égard de cette société. Le désamour des Américains pour Facebook a été soudain et relativement efficace. Facebook est obligé aujourd’hui d’investir massivement pour combler les fenêtres d’insécurité. Pour rebondir, Facebook cherche aujourd’hui des partenariats avec les grandes banques américaines en vue de mettre en place le partage des données financières de leurs clients abonnés comme nouveau produit de Messenger. Les banques pourraient être séduites pour lutter contre la concurrence des startups de la finance qui séduisent les plus jeunes, mais les dernières affaires les rendent plus frileuses pour se lancer immédiatement dans l’opération. Pour redonner de la force à son image, la firme a dépensé des sommes colossales de lobbying, plus de 3,6 millions de dollars aux USA au second trimestre 2018. Toujours selon l’étude, la concentration monopoliste n’est pas sans danger.
En effet, Amazon est devenu un géant du commerce électronique grand public, mais aussi du « cloud computing » (l’informatique en nuage), activité dans laquelle il est leader mondial avant même Microsoft. Google dispose d’une situation de quasi monopole dans le domaine des moteurs de recherche, mais il dispose aussi d’autres activités dans le cadre d’ Alphabet, notamment le fameux You Tube. Apple propose des ordinateurs, des téléphones, des tablettes, mais aussi des montres connectées. Les GAFAM sont aussi très présents dans les secteurs de la finance, de l’intelligence artificielle et dans la production et la distribution d’information. Elles rachètent toutes les start-ups les plus innovantes et les entreprises concurrentes.
Ainsi, Google est dorénavant propriétaire de DoubleClick et Facebook de WhatsApp. Dans ce contexte international de la finance, Les états mettent trop de temps pour réagir, même s’ils essaient parfois de mettre en place des législations toujours très contestées par les lobbys spécialisés. Si les lois antitrust peuvent être institutionnalisées dans certains états, au niveau international leur application n’a pas la même valeur de loi. Les firmes ont des activités de plus en plus hybrides, avec un élargissement des gammes de production, pour rendre encore plus difficile l’application des lois qui contrôlent les situations de quasi monopole. C’est pourquoi l’organisation du lobbying est si importante d’un point de vue législatif et judiciaire pour les GAFAM. Aujourd’hui, la compétition est surtout née de l’économie chinoise. « Il sera difficile à court terme pour l’Europe de se hisser au niveau des « BATX » chinois pour Baidu (internet, technologies, intelligence artificielle), Alibaba (e-commerce, intelligence artificielle, internet, technologies, retail), Tencent (services internet, produits de spectacle, intelligence artificielle et technologies électroniques) et Xiaomi (smartphone, applications pour mobiles, produits électroniques) et encore plus pour espérer challenger les leaders américains ». Cependant, face au GAFAM, les groupes des médias et de l’information se concentrent, ce qui n’est bon ni pour la démocratie, ni pour la vraie liberté d’expression.
Si l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) planche actuellement sur un accord global portant sur la taxation des Gafam d’ici la fin de l’année, l’équation n’est pas si évidente. Si la France et l’Allemagne « ont proposé de taxer le chiffre d’affaires de mastodontes du web à hauteur de 3%, et ce limité à la vente de publicité en ligne. L’entrée en vigueur est prévue pour 2021 », ce projet ne fait pas l’unanimité en Union Européenne. La France quant à elle entend bien mettre en place sa propre taxe. Selon le projet de loi présenté en début d’année, elle touchera toutes les entreprises qui proposent des services numériques et dont le chiffre d’affaires lié aux activités numériques est supérieur à 750 millions d’euros au niveau mondial et 25 millions d’euros en France. Les entreprises ne réunissant pas ces deux critères ne seront pas imposées. Cette taxe sera applicable à compter du 1er janvier 2019 et de façon rétroactive et son taux sera modulé en fonction du chiffre d’affaires avec un maximum de 5% Elle devrait rapporter environ 500 millions d’euros dans les caisses publiques.
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